• Architectes de père en fils

     

    Auguste, Eugène et Auguste Salle, architectes autodidactes à Amiens, constituent un exemple de la manière dont, au XIXe siècle, on pouvait s'insérer et se succéder dans une profession qui n'était pas encore réglementée.

    De la profession d'architecte

    La profession d'architecte, dont la compétence s'étend de la conception d'un projet architectural, son dessin, son devis descriptif et estimatif jusqu’à la direction des travaux d’exécution, émerge au début du XIXe siècle.

    Les architectes n'ont longtemps bénéficié d'aucun statut ni d'aucune formation spécifique. Cette appellation recouvre une grande hétérogénéité de parcours. L'exercice n'en est pas limité. Le niveau social, culturel et technique des membres de cette profession libérale est très disparate. Les incompétents ne sont pas rares.

    Seule l'École nationale des Beaux-Arts, à Paris, délivre, depuis 1867, un diplôme d'architecture reconnu par l'État. Encore cette formation n'est-elle réservée qu'à une élite.

    La plupart sont formés « sur le tas », auprès d'un architecte, pendant plusieurs années.

    Outre la formation, comptent, pour asseoir l'importance de l'architecte, les passassions de cabinets, les familles d'architectes et les alliances matrimoniales. Les architectes qui occupent des fonctions administratives (architecte municipal, départemental, diocésain, des monuments historiques...) accèdent plus facilement aux marchés publics et par voie de conséquences, aux commandes privées.

    Le titre de d'architecte D.P.L.G. (diplômé par le Gouvernement, issu de l'École des Beaux-Arts) est officiellement reconnu par un décret du 13 mars 1914. Enfin, la loi du 31 décembre 1941, instituant l'Ordre des architectes, impose le diplôme et l'inscription à l'ordre pour porter le titre d'architecte.

    Trois générations d'architectes à Amiens : la famille Salle

    Voici l'exemple d'une famille d'architectes, sur trois générations, issue des métiers du bâtiment, et alliée à des personnes issues du même milieu.

    Auguste Salle, né à Amiens le 2 octobre 1827, est fils du maçon François Salle, demeurant rue de la Barette. Il se marie en 1851 avec un modiste, Louise Wattebled. Il était alors menuisier, et vivait chez son père, 10 Port d'Amont.

    Il exerce toujours la profession de menuisier lorsque naît son premier enfant, Eugène, le 23 mars 1852. Il devient architecte entre 1871 et 1877 (selon les annuaires). Lorsque son fils se marie, en janvier 1880, il demeure dans la prestigieuse rue Robert-de-Luzarches, au n° 8.

    Auguste Salle est élevé au grade de chevalier de la légion d'honneur en 1901, non comme architecte, mais comme sapeur-pompier, activité qu'il exerce depuis 1848. En 1893, il est capitaine commandant la compagnie d'Amiens. Il acquiert près de 200 citations pour son dévouement dans les incendies, et il est blessé lors de celui 30 juin 1891. Il est le président-fondateur de l'Union amicale des sapeurs-pompiers de la Somme.

    Eugène Salle, le fils aîné d'Auguste, se marie le 29 janvier 1880 avec Léopoldine Jourdain, orpheline et sœur de Félix, entrepreneur charpentier, demeurant 46 rue Bellevue (rue Albéric-de-Calonne). Un des oncles d'Eugène, Edouard, est maçon rue de la Barette. Le jeune marié est alors dessinateur, probablement chez son père, où il apprend le métier d'architecte. Il est « employé d'architecture » en 1883. Il apparaît dans la liste des architectes entre 1894 et 1905, et en disparaît pendant la guerre de 1914-1918. Il demeurait 3 rue Allart, et avait le grade d'officier d'académie.

    Décès d'Auguste Salle en 1925
    Le Progrès de la Somme
    du 11 avril 1925.

    De ce premier mariage, naissent trois fils, dont deux sont « Morts pour la France » : Félix, qui sera employé de commerce, et meurt le 21 août 1915 de ses blessures, dans un hôpital auxiliaire près de Souchez (Pas-de-Calais), et André, né le 1er mars 1883, futur employé de bureau, engagé volontaire dans l'armée en 1901, nommé adjudant le 28 septembre 1914, tué à l'ennemi le 1er octobre 1914 au Four-de-Paris (Marne).

    L'autre enfant, Auguste (Louis Eugène), voit le jour le 11 septembre 1881. Réformé en raison d'une santé fragile, maintenu en réforme en 1917 car deux de ses frères avaient été tués au champ d'honneur, lui aussi meurt précocement, le 8 avril 1925, à l'âge de 43 ans. Il se marie en 1918, et est répertorié comme architecte en 1921, au 12 rue Boucher-de-Perthes.


    Les sources principales de cet article, concernant la famille Salle, sont les listes par profession publiées dans l'Annuaire général du département de la Somme, les registres de l'état civil d'Amiens, et la base Léonore pour le dossier de légionaire d'Auguste Salle aîné.
    Concernant la profession d'architecte, il s'agit de l'article de Denyse Rodriguez Tomé, « L'organisation des architectes sous la IIIe République », paru dans Le Mouvement Social, 2006/1 (n° 214), que l'on lira avec intérêt sur Cairn.info


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